Blue Caps

De la formation initiale des Blue Caps, orientée revival et gomina, ne subsiste en 1980 que le batteur. Lorsqu’il réalise que ses nouvelles recrues s’identifient à Sid Vicious et non pas à Eddie Cochran, le ver est dans le fruit. Faut-il en déduire que cet intermède punk est basé sur un malentendu ?

L'auteur de l'article  Eric T. Lurickclassé dans Groupes de lecture
Photo : collection personelle

Les Blue Caps constituent une formation dédiée au rock’n’roll des années 50 (avec Jacky Frenckel, fan de Gene Vincent, ce qui explique l’appropriation sans vergogne du nom de la formation accompagnant ce dernier) qui depuis 1977 joue les classiques du genre.

Au mois de septembre 1980, après un remaniement presque complet, les Blue Caps sont Thierry Lefèvre dit Jerry (chant), Christian Hornecker dit Doc (guitare), Christian Marzal (guitare), Christian Bosch dit Charlie (basse) et Jean-Paul Demeusy (batterie).

Alexandra, une eurasienne, prostituée et camée, mais charmante, et surtout, imitant à la perfection Chrissie Hynde des Pretenders est brièvement la seconde chanteuse avant son internement en hôpital psychiatrique.

On était allé la voir tous ensemble, ça faisait peine à voir. Elle était complètement stoned aux médocs, avec le filet de bave à la bouche, etc. Une infirmière m’avait raconté que de temps en temps elle s’absentait dans le bâtiment et revenait avec un paquet de pognon. Elle tapinait, quoi !

Christian Bosch
(Blue Caps, Dorian Gray)

Le groupe répète dans le cellier d’un bar arabe du quartier de Neudorf. Les compositions sont écrites en convoquant le patronage des Saints et sont agrémentées de leurs versions de London Lady des Stranglers et C'mon Everybody d’Eddie Cochran via Sid Vicious.

La bombe de peinture qui explose
(de g. à dr.) Christian Marzal, Didier Poux et Didier Rinaldi

Un concert est organisé dans la cave de la maison familiale de Charlie à l’occasion de son vingtième anniversaire. Didier Poux de Flash Gordon finit la soirée éméché et se bat avec une bombe de peinture noire qui lui explose à la figure. Il faut le nettoyer à l’essence pure !

C’est également Charlie qui est derrière le festival du 3 avril 1981 à l'amphi 7, situé dans la rue Gaspard Monge. Outre les Blue Caps, l’affiche propose Pantin E., , et le groupe de hard-rock Apocalypse 2.

Pour pouvoir disposer de la salle de l’amphi 7, il fallait que je prouve, non seulement mon appartenance à la fac d'éco, mais en plus, il était requis une carte de l’amicale science-éco. Je n’avais pas payé la cotisation, donc pas de carte de membre. Par contre, j’avais réussi à piquer un tampon, et j’ai pu réserver la salle grâce à un faux en bonne et due forme ! Là où j’ai eu des sueurs froides, c’est que le responsable de l’association n’a jamais réussi à retrouver le double de ma carte de membre dans les archives, et pour cause ! Je m’en suis tiré en prétextant qu’ils manquaient de sérieux dans le classement de leurs fiches. C’est passé et finalement on a eu la salle !

Christian Bosch
(Blue Caps, Dorian Gray)

Les tergiversations entre groupes commencent toujours quand il s’agit de déterminer le temps et l’ordre de passage. Pour Dorian Gray c’est le moment d’envoyer un atout de charme en éclaireur.

On avait fait un tirage au sort. Martine de Dorian Gray n’en était pas satisfaite, et elle m’avait fait un gringue du tonnerre pour que j’échange la place de son groupe avec celle du mien. Je n’ai pas cédé !

Christian Bosch
(Blue Caps, Dorian Gray)

La personne chargée de la caisse trouve le temps un peu trop long et file dans la salle pour assister au concert. Une bonne partie du public fini par entrer gratuitement. L’entrée en scène des Blue Caps est épique car le batteur se fait attendre.

Un souvenir marrant que j’ai gardé de ce festival, c’est les Blue Caps sur scène prêts à commencer leur set, mais pas de batteur… ils fulminaient, à attendre qu’il daigne les rejoindre, mais lui restait dans les coulisses parce qu’il était en pleine partie de cartes (poker ? plutôt belote !) avec d’autres types (peut-être les hardeux de Apocalypse 2). Ils étaient là autour d’une table à taper tranquillement le carton et lui qui rigolait on est pas aux pièces, je peux quand même finir la partie, non ? pendant que Jerry frisait la crise de nerfs sur scène.

Raphaël Michot
(Blankets, Horsex, Civils, Têtes Brûlées, Buck Dany’s)

La nouvelle orientation des Blue Caps ne convainc pas franchement leur public venu voir une formation de rock’n’roll revival. Le groupe se tire d’affaire avec quelques standards, placés ça et là dans le set, et un brin de provocation.

Je me rappelle très bien avoir pris le micro pour allumer le public : vous aimez bien le vieux rock, hein, bande de salopards !. Je voulais dire ça sur un ton de reproche mais ça a été mal compris et tout le monde a applaudi !

Christian Bosch
(Blue Caps, Dorian Gray)

Un batteur qui fini sa partie de carte au moment de monter sur scène et un chanteur qui disparait mystérieusement lorsque le groupe remonte sur scène pour le rappel, tout ceci révèle une attitude peu soucieuse des convenances.

On avait fait un rappel, C'mon Everybody façon punk. Comme on ne savait pas où était passé Jerry (je crois qu’il était parti draguer une punkette bien goûteuse dans un local privé annexe), on a commencé le rappel sans lui et c’est Christian Hornecker qui a chanté. Jerry est arrivé à la fin du morceau, assez furax qu’on puisse jouer sans lui mais il a du faire avec.

Christian Bosch
(Blue Caps, Dorian Gray)

L’affiche de ce concert rassemble certains des groupes strasbourgeois dont on parle. Dorian Gray et surtout les Civils ont le vent en poupe. On ne peut manquer de noter l’absence notable de leurs éternels rivaux.

On avait décidé de ne pas inviter Flash Gordon car on craignait qu’ils nous volent la vedette. D’ailleurs, on s’est fait castagner par le groupe tout entier peu après. A titre de représailles ! Mais ce n’étaient pas des méchants. Ils avaient juste parfois l’ego un peu surdimensionné.

Christian Bosch
(Blue Caps, Dorian Gray)

Guy Wach invite les Blue Caps à enregistrer une qui doit être diffusée dans son émission sur . Jerry et Jean-Paul sont convoqués dans le studio de la radio pour une interview.

On découvre, une semaine après leur enregistrement, Petite fille en noir (petite fille en nouaaaar, viens avec mouaaaa, ce souaaaar), Charly’s Rock et Nixon qui vaut une explication de texte forcée à Jerry très embarrassé

Cette mouture intermédiaire des Blue Caps prend fin en juillet 1981 sur une sombre histoire de costume façon mariage 1950 porté par Jean-Paul lors d’une répétition. Les railleries de Charlie lui valent une gifle. Il pose sa basse et s’en va suivi par Christian Hornecker.

Jean-Paul Demeusy réoriente le groupe vers les fondamentaux des pionniers du rock’n’roll et recrute de nouveaux musiciens qui deviennent les New Blue Caps. Cette nouvelle formation va publier le Au cœur de la ville b/w Ma petite fille en 1985.