Tandis que le punk rock incendie toutes les chapelles, autorisant le meilleur et le pire ainsi que les plus grandes audaces, il n’est qu’une intuition à Strasbourg. Très marginale. Une réaction juvénile au début de sénilité qui frappe le rock.
Si les Dustbeans portent encore le cheveux long et ne sont pas des punks au sens stricto sensu du terme, ils rectifient le tir avec ce soupçon d’élégance en plus et comptent bien profiter du phénomène sur lequel les yeux et les oreilles sont désormais rivés.
Quelques jours avant leur premier concert, Christine Lefèvre vient les interviewer pour FR3 Alsace au Théâtre de la Petite-France de Michel Martine, Grand-Rue. Un groupe se réclamant du punk à Strasbourg est un petit évènement en soi !
En cherchant une filiation on se rend vite compte que c’est de l’autre côté de l’Atlantique et des précurseurs proto-punk qu’il faut trouver. Ce que les deux courts extraits de Heroin et Gloria que l’on entend dans le reportage semblent confirmer.
Les Dustbeans ne sont pas dupes de leur situation :On était punks mais c’est tellement décevant qu’on préfère se revendiquer d’un autre mouvement, plus jeune, qui a encore toutes ses preuves à faire, et qui est la génération X
.
Réalistes, voir fatalistes, sur les perspectives d’avenir dans le contexte d’une scène rock strasbourgeoise en friche : Si ça prend au niveau du public, tant mieux. Si ça ne prend pas on aura quand même l’impression d’avoir fait quelque chose.
Le 26 novembre 1977, première apparition du groupe au Fossé-des-Treize. L’attitude narquoise et arrogante du chanteur, Patrick Boissel, est celle de celui qui sait. Qui sait trier le bon grain de l’ivraie. Le public strasbourgeois n’est pourtant pas encore prêt pour ce type d’emballements.
La veille au soir, par je ne sais quel miracle, ils sont passés au journal télévisé de FR3 Alsace pour annoncer le concert et même, je crois, jouer un titre. J’imagine que tout le monde devait regarder FR3 à l’époque parce que le lendemain, mercredi, la salle était comble ! Le public, c’était n’importe quoi : il y avait même une troupe de bidasses en permission ! Quand les gens se sont rendus compte qu’ils avaient payé pour un groupe de vrais débutants qui ne faisaient que des reprises (Patti Smith, The Stooges, MC5) ça a mal tourné… Le bar était situé dans la salle et ils vendaient carrément des canettes en verre… et les canettes se sont mises à voler ! Dans leur mansuétude, les gens les envoyaient au-dessus du groupe et elles se brisaient sur le mur du fond mais juste en-dessous, il y avait le batteur qui était un incroyable baba barbu qui en a eu marre (ou peur) et s’est barré en plein milieu d’un morceau. Ca n’a pas arrangé l’ambiance qui a carrément viré à l’émeute. Patrick, le chanteur, était incroyable : il était là au milieu de ça comme si tout était normal. Tellement impressionnant que Didier (Poux, nda) et moi on a gravi la scène pour se ruer sur lui et lui déclarer que c’était le meilleur concert qu'on aie jamais vu !
Lorsque Didier Coudry, le batteur, jette l'éponge et quitte la scène, Jacky Koehler, un musicien de jazz réputé localement propose de venir jouer des morceaux cools, mais c'est finalement la directrice du Fossé-des-Treize qui fini par calmer les esprits en piquant une colère et en ouvrant les fenêtres pour aérer.
Les Dustbeans s’étaient fait la main trois ou quatre fois avant le concert avec une poignée de reprises (Patti Smith, Stooges, MC5). Leur rock est décharné, vaguement agencé en chansons, le disputant à la jam. La posture nihiliste compense le manque d’expérience musicale.
Une composition personnelle intitulée HLM émerge malgré tout du lot. C’est Hubert Diyan qui la chante : J’habite un HLM
(les autres répondent avec des harmonies vocales émulants une chambre d’écho : lem - lem - lem
) et tous les matins
(les autres :tin - tin - tin
).
Quinze jours plus tard, le 10 décembre 1977, les Dustbeans sont à l’affiche du festival Rock’n’Roll Circus à Obernai. Leur prestation ne crée pourtant pas un remous comparable à leur coup d’essai. Après cet ultime concert, le groupe fini vite par s’éparpiller dans de nouveau projets.
Technique musicale rudimentaire, fraîcheur retrouvée dans l’interprétation, retour à la simplicité basique du rock’n’roll : malgré la brièveté de l’existence des Dustbeans, le groupe a définitivement ouvert une brèche pour toute les autres formations strasbourgeoises à venir de la nouvelle vague .
Composition
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Dustbeans
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Patrick Boissel chant
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François Dahlmann guitare
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Hubert Diyan guitare
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Nicolas basse
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Didier Coudry batterie
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Affiches & Tracts
