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Toxique

1980. L’année avait commencé sur un tempo de ska et se terminera au son des cuivres rhythm’n’blues. Mais rien depuis presque quatre ans n’a remplacé la furie et la rage punk. L’aventure 77 est déjà une légende pour une nouvelle génération qui se doit de trouver son langage…

L'auteur de l'article
Toxique, Bischeim, 1981
Photo : collection personelle

Deux kids qui n’en sont bientôt plus, se refugient dans les slogans de l’internationale punk inscrits au pochoir sur leurs chemises en espérant se débarrasser du goût d’amertume qui leur vient de la vie quotidienne.

L’action est encore le meilleur remède contre l’ennui et la grisaille qui les ronge. Gilles K-Davr Schmidt et Ronan Anti Allimant refusent de s’abandonner à l’inertie qui menace de les engloutir. Ainsi jaillit Eau Non Potable.

C’est leur groupe punk. Chaque détail devient provocation, jusqu’aux badges. Non pas achetés ni offerts, mais arrachés aux entrailles des trains, dans l’ombre métallique des toilettes, disent-ils en ricanant.

Au début de 1981, Eau Non Potable devient Toxique (et non pas les Toxiques comme on les appelle souvent) avec l’arrivée de Martine Loukoum Koeffel (chant), Philippe le chien Lehmann (synthétiseur) et Florent (batterie).

Toxique en concert à Bischeim le 4 avril 1981
Toxique à Bischeim le 4 avril 1981

Après deux mois de répétitions le groupe se retrouve sur la scène de fortune d’une salle en face du collège situé rue du Guirbaden à Bischeim. Toute une troupe se déplace dans la banlieue nord de Strasbourg le samedi 4 avril 1981.

Tout le Lion Rouge était là ! C’était assez dingue. Surtout avec Le Chien qui triturait ses manettes avec un son psyché-indus qui recouvrait tout par moment. Ce gars-là était véritablement frappé !

Claude Prat
Imposteurs, ’A’ Bomb, Incorruptibles, Africa Korps, Globe-Trotters, Visitors, Marauders

Au centre des regards il y a Loukoum. Collant sans pieds léopard moulé au corps, cheveux péroxydé, voix rauque de féline. À la scène comme à la ville elle passe instantanément du ronronnement au coup de griffe.

On y était allé avec Didier Poux et on avait surtout découvert Loukoum… On faisait des allers-retours pour acheter des bières pas loin, et il devait y avoir un fleuriste à côté parce qu’on a acheté une rose (une seule, y faut quand même pas déconner) pour elle. De retour dans la salle, Didier s’est senti con avec cette rose et à commencé à se dégonfler, alors j’ai ouvert une bière, j’ai mis la rose dedans, coincé le tout dans les mains de Didier et on est allé lui offrir ça pendant qu’elle chantait. On devait passer pour de vrais crétins, mais on était assez contents de nous…

Raphaël Michot
Blankets, Horsex, Civils, Têtes Brûlées, Buck Dany’s

Toxique compense son inexpérience en jouant la carte de l’énergie. Tout à fond ! Ils ont une image, l’attitude, et personne ne se doute encore que ce concert chaotique à plus d’un titre restera le seul qu’ils donneront.

Pour couronner le tout, Philippe avait des soucis avec son synthé et donc un bruit de fond pas possible ! À la fin, Didier Poux m’a dit que ça lui rappelait Metal Urbain ! Il y avait beaucoup de monde et pas que des cools puisque ma basse avait disparu.

Ronan Allimant
Toxique, Snuff Movies, Storm Boys

A la suite de ce premier essai, Loukoum file vers d’autres horizons. Elle réapparaitra avec la première mouture de ’A’ Bomb au mois de mai 1982 pour une de six titres. Florent, le batteur, plie également bagages.

Extrait de la compilation cassette « Groupie » parue en 1982

Septembre 1981 voit l’arrivée de Marcel à la batterie et surtout celle de Arnaud Renégat Richard au chant, ce qui provoque une redistribution complète des rôles en juin 1982 : Arnaud (chant / guitare) ; Gilles (basse) ; Ronan (batterie).

Les Dernières Nouvelles d’Alsace consacrent un article en pleine page à Toxique le 30 juin 1982 en mettant l’accent sur le phénomène de société et posent cette question : les punks dérangent-ils encore ?

Nous comptions parmi les tous premiers Ronan et moi. Nous puisions tout ce que nous pouvions trouver depuis l’Angleterre, sans nul rapport avec ce qui existait en France, pour alimenter notre crise de pré ados. Quand nous avons décidé de commencer le groupe, je crois aussi que l’on s’est hâté un peu trop vite pour le choix des autres. Des mecs avec leur déguisements, mais sans aucune autre conviction que celle de devenir leader ou quelque chose comme çà, qui se sont plus ou moins servi du groupe pour voir leur bobine dans le journal, comme tremplin, et nous tourner le dos en nous ignorant par la suite. Après le bla-bla journalistique ou la pure malveillance dont on a fait l’objet, je crois surtout qu’on faisait peur. Une espèce de miroir. Quand tu déranges et que tu es jeune, on fait tout pour te faire disparaître.

Gilles Schmidt
Toxique, Wild Mammoth

Au-delà de la merveilleuse et aveuglante rampe de spots sous laquelle gisent les illusions, la fin de Toxique au début de 1983 sonne aussi le glas d’une ingénuité, d’un élan de rébellion lié au rock depuis 1977.