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Bismuss

Une des grandes contradictions du punk, qui est pourtant censé représenter l’authenticité absolue, réside dans le fait que ses musiciens se choisissent des pseudonymes qui suggèrent fortement l’artificiel. Bismuss emprunte le rite de passage et connait la proverbiale épiphanie…

L'auteur de l'article
Photo : collection personelle

Nous sommes en 1977. Le punk titille l’imaginaire d’une poignée de lycéens strasbourgeois qui en profitent pour s’encanailler à moindre frais. est ainsi le pretexte à une vie de patachons sans grande réalité musicale.

Depuis l’arrivée de « Émile Rat » à la guitare le groupe s’est mué en Bismuss et compte « Georges » au chant, « Grimace » à la guitare et le facétieux « Fuck Off » à la batterie qui suivant l’humeur devient « Tony Gencil » ou « Tony Tupoleff ».

Le quartette répète dans la cave d’un bar à Neudorf puis investit celle sous un restaurant situé dans la rue des Frères. Little Baby and his Blankets se font la main au même endroit ce qui permet de limiter les frais de location.

Le loyer était de 400 francs et c’était plutôt cher pour l'époque. Nous l’avons partagé avec les Blankets mais après quelques semaines on s’est taillé assez rapidement. Dans un carnet de l’époque j’ai noté : Ça sent le salpêtre, la bière et la clope froide. Les cordes de grattes sont poisseuses à cause de l’humidité. Des gars viennent et demandent s’ils peuvent jouer. On ne peut rien laisser ici. Ça caille. Bref, visiblement, après l’enthousiasme du début, l’endroit est rapidement devenu un squat.

Christian Bartsch
Bismuss, Flash Gordon

Retour à la case départ. Sans local, sans équipement, Bismuss est confronté à un enjeu prégnant pour tous les groupes : les vacances d’été. Éric Garnier et Patrick Grimm s’éclipsent. La pilule est d’autant plus amère à avaler.

Après trois mois d’inactivité, Émile et Tony décident de reprendre l’affaire en main. Didier Poux embarque dans le projet et démontre d’emblée une efficacité particulière avec ses parties de guitares agiles et acérées.

Le trio provisoire capte l’attention de Benjamin Théoval qui cherche un groupe approprié pour une première partie de Starshooter. L’occasion est trop belle pour dire non. Sauf qu’il faut encore un chanteur, un bassiste et des chansons.

Yves Martin qui avait trimballé sa guitare avec les Blankets est approché pour prendre le micro. Il a de la gouaille et un bon sens de la provocation. Françis, une connaissance nancéenne d'Émile, ramènera sa basse le jour dit.

Bismuss peut arguer d’un petit succès en ouverture de Starshooter à la salle de la Bourse le 10 novembre 1978 et se constitue un bon soutien dans les premiers rangs, il est vrai, principalement composés de leurs connaissances.

Le répertoire comprends en tout et pour tout cinq chansons dont Blitz et Danger. Dans la liste se glisse une reprise de Mongoloïd de Devo. Il faut jouer la série une seconde fois pour combler le temps qui est imparti par l’organisation.

Françis retourne à Nancy. Quelques peu frustrée, le reste de la bande suggère fortement à Émile ― le talent le plus versatile du lot ― de passer à la basse. Une idée qui ne le séduit pas vraiment et qui mettra un moment à germer.

Requinqué, le groupe investit une boum au Grenier près des Ponts-Couverts le 27 janvier 1979. Arrivée des forces de l’ordre. Motif : tapage nocturne. Les Horsex font leur première apparition en public au Fossé-des-Treize le même soir.

Dès qu’on a fini de jouer, on a filé au concert de Bismuss où on a plus ou moins pris la scène d’assaut pour jouer à notre tour. Ca devait être un sacré bordel : Martine et moi avions sifflé une bouteille de téquila avant de monter sur scène ― c’était notre premier concert contrairement à Christian et Jacques et on était mort de trouille. Les Bismuss étaient moyennement enchantés de se faire parasiter par des excités ivre morts, ah-ah-ah ! Les deux groupes ont toujours eu des rapports en dents de scies. À part ça, tout le monde s’est rincé l’oeil : Martine avait explosé la couture de l’entre-jambe de son pantalon au Fossé-des-treize et chantait carrément la culotte à l’air ! Ça nous a ramené pas mal de monde aux concerts suivants.

Raphaël Michot
Blankets, Horsex, Civils, Têtes Brûlées, Buck Dany’s

La suite ? Émile finit par admettre que s’il faut un bassiste il ferait bien de s’y mettre soi-même. Erick Assani (Themrock, XYZ, Les Horsex) le remplace temporairement pendant ses obligations militaires.

Il y aura encore quelques concerts. L’histoire a cependant un post-scriptum. Bismuss devient Flash Gordon en 1980 et part pour de nouvelles aventures qui aboutiront à un crépitant 45 tours paru sur RGR Records.